Le Pont de la Corde

Un joli petit port sous le Pont

Les gens vivant sur les territoires de Henvic et de Carantec ont vécu pendant des siècles, des conditions de vie assez proches de celle des insulaires. La presqu’île est en effet bordée par les eaux de la Penzé, à l’ouest, et par celles de la rivière de Morlaix à l’est. Le réseau de communications quant à lui, était surtout composé de chemins entretenus jusqu’à la Révolution, selon le droit féodal. Les chemins les plus importants reliaient Carantec à Morlaix, l’un passant par Henvic, puis par Taulé, et l’autre par le Frout, puis également par Taulé.

Ce n’est qu’au 20ème siècle, avec l’apparition du chemin de fer,  et surtout de l’automobile, que les routes ont permis de désenclaver cette région. On comprend donc l’importance que représentait, depuis les temps les plus reculés, la traversée de la Penzé, qui permettait de raccourcir le trajet vers St Pol de Léon. Pour franchir la Penzé, il fallait se rendre entre la chapelle Sainte Marguerite, en Henvic, et celle de Saint Yves, en Plouénan, pour emprunter un bac. C’était le « Passage de la Corde », qui s’appelait encore, jusque vers 1700, le « Passage aux Bœufs ». Ce bac était payant, et c’étaient les seigneurs de Lezireur qui percevaient les droits de passage. Nombreux sont les pèlerins du « Tro Breiz » qui empruntèrent ce bac.

Le bac qui permettait de traverser la Penzé

C’est vers la fin du 19ème, avec le progrès des techniques, que l’on commence à se préoccuper de la construction d’un pont à cet endroit. Une première solution avait été envisagée, mais fut vite abandonnée. Elle aurait consisté à doubler le pont ferroviaire de la ligne Morlaix-Roscoff, pour permettre le passage de charrettes. Lors d’une réunion extraordinaire, le 19 Avril 1908, le Conseil Municipal de Henvic renouvelle sa demande, invoquant « le rapprochement de la presqu’île avec St Pol de Léon, et facilitant le recours au médecin et au pharmacien ».  Mais cette demande est rejetée par  le Conseil Général. Une nouvelle demande, également refusée, a lieu l’année suivante, pour un bac à vapeur. Trois ans plus tard, c’est le Conseil Général, qui vote la création d’un pont tournant, dont la partie centrale, longue de 28 mètres, devait reposer sur une pile de 4 mètres de diamètre. Mais la guerre de 14-18 éclate, et ce projet ne sera pas repris.

Il faut attendre 1922 pour que Monsieur Albert Louppe, alors Président du Conseil Général, fasse procéder à la construction du premier Pont de la Corde. Ce pont, d’une portée de 109 mètres,  était situé légèrement en aval de celui qui existe actuellement. Les premières années qui suivirent sa construction, il fallait encore payer un droit de passage. Dans son ouvrage « Carantec, une Cité côtière du Léon », Mme Luce-Lozach raconte la journée d’inauguration de ce pont:

« Le 29 octobre 1927,  Messieurs Merret et Le Nen, transporteurs à Carantec, participent au volant de leurs camions remplis de caillasse aux essais de résistance de l’ouvrage. La cérémonie d’inauguration est fixée au dimanche 30, en présence du représentant du gouvernement, du Préfet, du sous-Préfet et des autorités locales accueillies à la gare de Saint Pol avec tout le faste requis par un tel événement. Sur le pont barré d’un ruban tricolore et qui disparaît sous les feuillages et les guirlandes tressées par les fillettes des écoles, Mademoiselle Marzin, du Passage de la Corde, présente les ciseaux sur un coussin de velours. Le ruban coupé, le clergé bénit le pont souhaité depuis de si nombreuses années. C’est ensuite l’accueil  à Henvic, l’arrivée à Carantec où un repas soigné est servi dans le garage Merret débarrassé de ses véhicules et artistiquement décoré pour la circonstance. Le mardi 2 novembre les premières charretées d’artichauts arrivent sans encombre à St Pol, Place de l’évêché. Et le vieux bac qui, à son époque, avait représenté un progrès, dort pour toujours sous son linceul de vase. Et ainsi se termina la carrière du père Adrien Hérec (1863-1934), qui remplit « pendant quarante ans l’ingrat et dur métier de passeur et que, d’une rive à l’autre, chacun aime et respecte ».

Le premier Pont de la Corde

Lors des inspections et des travaux de maintenance de cet ancien pont, la qualité du béton et des matériaux utilisés a révélé une dégradation conséquente de son état dans les années soixante. La circulation automobile ayant connu par ailleurs une très forte augmentation, ces deux raisons ont amené le Conseil Général à remplacer cet édifice par l’actuel ouvrage d’art qui enjambe la Penzé. Ce nouveau pont a été inauguré le 15 juillet 1969, et c’est deux ans après, le 12 juillet 1971, que fut dynamité l’ancien.

Sur la photo ci-dessus, on aperçoit

le tablier du nouveau pont en construction.

Une réunion de chantier lors de la construction du nouveau pont,

à quelques mètres de l’ancien,

en présence de Marie Jacq, député Maire de Henvic. 

Ci-dessus, les deux ponts côte à côte.

En amont du pont, l’estuaire de la Penzé abrite de nombreux bateaux de plaisance, qui partagent les mouillages avec quelques bateaux de pêche.