La coiffe de Henvic

Une coiffe particulière à la presqu’île

La coiffe de Henvic, appelée la « chubilinenn » ou encore la « jobelinenn », était particulière à la péninsule qui regroupe aujourd’hui les quatre communes de Taulé, Carantec, Henvic, et Locquenolé. Cette presqu’île, délimitée par la Penzé et l’estuaire du Dossen, s’est toujours un peu distinguée du Léon, où les femmes portaient la « chicolodenn », et du Trégor, où était arborée la « toukenn ».

Les bretonnants savent bien, d’ailleurs, que le breton qui est parlé dans cette enclave, se différencie également des régions voisines. Ces différences remonteraient-elles aux temps très lointains où les Celtes de Grande Bretagne et d’Irlande ont immigré en Armorique, une tribu s’installant dans cette presqu’île que l’on appelle parfois en breton « An daou dour »?

Une coiffe en forme de carapace de crabe

A Henvic, la coiffe a commencé à disparaître à l’époque de la deuxième guerre mondiale, mais nos anciens se souviennent de la voir encore portée par quelques femmes jusque dans les années 60. Madame Jeanne Marie Le Gall a dû être une des dernières femmes de la commune à la porter.

Elle n’était pas, comme d’ailleurs le reste du costume, richement brodée et décorée, à la manière des coiffes de Concarneau ou des coiffes bigoudènes. Elle était plutôt discrète, mais non sans élégance. Mr Yves René Creston, qui a écrit un important ouvrage considéré comme une référence en la matière, l’a répertoriée dans la catégorie des quelques 55 coiffes paysannes existant en Bretagne.

Bien que pratiquement identique à celles de Carantec et de Taulé, où on l’appelait la « Taoleadenn » ou encore la « kalabousenn », on pouvait cependant la reconnaître parmi ses voisines. Le petit bonnet caractéristique cachant juste le chignon, et dont la forme rappelle un peu la carapace du crabe, avait comme deux petites cornes sur les côtés. Alors qu’à Carantec, celles-ci étaient légèrement relevées, et qu’à Taulé elles étaient plus tombantes, à Henvic elles n’étaient par contre que très peu marquées, et donnaient à la coiffe une forme plus aplatie.

Les différences entre les coiffes provenaient souvent de différentes façons de les repasser. Mme Priser, qui habitait au bourg de Henvic, a sans doute été la dernière repasseuse de coiffes de la commune.

Il faut savoir que cette coiffe, tout comme dans le reste de la Bretagne, a beaucoup évolué, au cours des ans, et surtout depuis la première moitié du l9ème siècle, où la fragmentation des modes vestimentaires s’est affirmée.

Depuis cette époque, sa taille n’a cessé de diminuer. Sur un tableau appartenant à une collection privée, et représentant un pardon à Henvic, en 1818, on peut voir que les coiffes des femmes étaient beaucoup plus grandes, et enveloppaient l’ensemble de la chevelure. Sur un autre tableau, par contre, réalisé par le peintre Jacques Jullien en l’honneur des soldats et marins de Henvic tués durant la guerre 14?18, et dont il ne reste plus hélas que des reproductions sur de très rares cartes postales, on constate que la coiffe a déjà diminué considérablement par rapport au siècle précédent, et on remarque également qu’elle se portait un peu plus sur l’arrière de la tête.

Les personnes âgées de la commune se souviennent aussi que la coiffe de Henvic est devenue de plus en plus petite depuis la première guerre mondiale.

L’évolution très rapide de la mode dans la seconde moitié de ce siècle a entraîné des changements radicaux dans l’art vestimentaire, et les coiffes et châles de nos grand-mères ne sont plus qu’un souvenir sur les vieilles photos de famille.

Ci dessus, les coiffes des femmes lors d’un mariage à Henvic en 1902