Guillaume Le Jeune

Un prêtre bâtisseur

Guillaume Le Jeune est né le 6 septembre 1844 à Plabennec. Il commence une carrière de militaire, et participe à la guerre de 1870. Il est « élu » par ses compagnons d’arme qui partent pour le camp de Conlie, « sous lieutenant de la Compagnie de Plabennec ». De retour, il entre au grand Séminaire de Quimper, et, ordonné prêtre en 1879, il chante pour la première fois la messe à Plabennec, où il est nommé vicaire auxiliaire, avant d’être vicaire en 1881.

Recteur à Molène

Après avoir exercé un ministère à Guipavas, il est nommé en 1892, Recteur de l’Ile Molène, où il arrive en pleine épidémie de choléra. Il joue alors le rôle de médecin, de pharmacien, de garde malade. Il reçoit le 21 mai 1894 la médaille de bronze des épidémies.

Frappant à toutes les portes, il collecte les fonds nécessaires pour commencer la construction de l’école des filles.

Le 16 juin 1896, un tragique naufrage a lieu, sur un récif à l’Ouest de Molène. Le paquebot Drummond Castle coule en quelques minutes. Seulement trois survivants seront secourus.

Dans la nuit du 16 au 17 juin, une fête est donnée à bord de ce somptueux paquebot anglais gréé en trois mats goélette. Le vent était modéré, mais la brume opaque. Soudain, c’est le drame. Le bateau talonne les Roches Vertes, et en huit minutes, il coule dans le passage le plus redoutable du Fromveur.

Ce n’est qu’au 17 au matin, que les pêcheurs de Molène découvrent ces cadavres. On dénombre 397 morts, et seulement cinq rescapés sont sauvés. 29 seront enterrés sur l’île dans un enclos attenant au cimetière, et on peut toujours y voir une plaque commémorative. Emu par cette catastrophe, le recteur Guillaume Le Jeune, fait démonter la volige de l’école, qui n’est pas terminée, pour fabriquer des cercueils. Il exhorte les îliens à envelopper les morts qui ne peuvent avoir de cercueil, dans des voiles de bateau, (L’archipel d’Ouessant n’ayant pas suffisamment de bois), et à les enterrer dans le cimetière de l’île. Le courage et le dévouement des îliens et du recteur parviennent jusqu’à la Reine Victoria, qui les remercie personnellement. Celle-ci leur décerne une médaille commémorative, accompagnée d’un diplôme.

Au centre de la photo, L’abbé Guillaume Le Jeune pose, en compagnie des sauveteurs de l’Ile Molène. Tous portent des médailles dont probablement celle qui leur a été décernée par la Reine Victoria.

Selon des documents conservés au musée de Molène consacré au naufrage du Drummond Castle, l’Abbé Le Jeune aurait eu un abondant courrier avec l’Angleterre. Dans une lettre, l’Archevêque de Canterbury exprime au curé de Molène « la sincère gratitude des membres de l’église d’Angleterre… »

Recteur à Henvic pendant 19 ans

C’est à cette époque, que les prêtres henvicois sont appelés à changer de paroisse. Le 17 mars 1898, on assiste au départ du Recteur, M. Le Gall appelé à la Cure de Fouesnant. Celui-ci est remplacé par M. Guillaume Le Jeune. Ses paroissiens le surnommeront “Ar Molenez”, car il vient de Molène. Il paraît que certains l’appelaient également “Fri Sivi”. Avait-il le nez comme une fraise?

Il arrive donc à Henvic juste à l’époque où débute la construction de la nouvelle église, et il mettra toute son énergie au service de sa paroisse durant 19 ans..

Le 27 août 1899, il procède, avec son prédécesseur, M. Le Gall, et en présence de très nombreux membres du clergé, à la bénédiction et à la pose de la première pierre de l’église. Il veille ensuite à l’avancement des travaux, faisant face à tous les aléas, comme le décès de l’entrepreneur.

Le 14 mars 1906, l’église est presque terminée, lorsque le bourg de Henvic connaît une journée mémorable. Monsieur Pavie, Percepteur à Morlaix, se présente pour procéder à l’inventaire des biens de l’église paroissiale. Le recteur Le Jeune le reçoit, entouré du Conseil de Fabrique, et de tous les paroissiens mobilisés, et lui lit alors l’énergique protestation suivante:

“Au nom du Conseil de Fabrique, et de tous les paroissiens de Henvic, et en mon nom personnel, je me fais un devoir de conscience de protester avec toute l’énergie de mon âme, contre l’inventaire auquel vous avez la triste mission de procéder. “Nous vous déclarons nous opposer formellement à cet inventaire, parce qu’il est le prélude à une confiscation sacrilège ». “Notre église, toute neuve, n’appartient ni à l’Etat, ni à la commune. Nous vous refusons donc l’entrée de cette église pour l’inventaire dont il s’agit, et si un jour, on employait la force ouverte, les fidèles de Henvic sauront, comme leurs ancêtres en 1792, faire un rempart de leurs corps pour défendre leur Dieu, et la Maison qu’ils lui ont élevée ». Mais les jours suivants, ces inventaires seront toutefois réalisés.

La chute du clocher

Le 24 juin 1909, le clocher, en cours de finition, s’écroule après un office, sans faire heureusement de victimes. En chaire, le recteur venait de dire « le temps est à la pluie, dépêchez-vous après la messe de rentrer chez vous et d’aller travailler aux foins ».

L’abbé Messager, prêtre décédé en 1998, et qui habitait lorsqu’il était jeune, la maison qui sert maintenant de fournil à la boulangerie, avait toujours présents à l’esprit cet évènement: “Peu de temps après la chute du clocher de l’église, affirmait-il, Louise, la soeur de Guillaume Le Jeune, qui était également sa “carabassen”, vit celui-ci descendre l’escalier du presbytère, habillé en clergyman, avec veston et chapeau. Elle crut bien sûr que la catastrophe lui avait tourné la tête, surtout quand il lui dit « Je vais en Angleterre voir la Reine ». Madame Jeanne Nicolas Saout se souvenait également que sa mère lui avait raconté qu’un jour, elle vit M. Le Jeune vêtu en civil, avec un chapeau trop petit pour lui, et un complet veston qu’il avait dû emprunter à un de ses paroissiens, et dont il ne pouvait pas fermer les boutons, car il était très gros. Il se préparait, disait-il, à partir en Angleterre demander de l’aide à la Reine pour reconstruire le clocher de l’église.

Les paroissiens se sont sans doute posé des questions sur la santé mentale de leur recteur, qu’ils ont crue un moment ébranlée. Mais la réalité était toute autre. Durant son séjour à l’Ile Molène, le recteur Le Jeune avait joué un rôle de premier ordre, lors du naufrage du « Drummond Castle », et il savait sans doute à qui s’adresser pour demander de l’aide ! Il est donc vraisemblable que M. Le Jeune, soit allé à Londres, demander de l’aide auprès de la Couronne, afin de reconstruire le clocher qui s’était écroulé. Il serait revenu avec des bijoux en or, des bagues, qu’il aurait vendues, et cet argent a permis de faire venir par train des pierres de Gourin pour reconstruire la flèche du clocher.

Le recteur Guillaume Le Jeune

C’était sans nul doute, un personnage assez peu commun, qui a marqué de son empreinte les lieux où il a vécu, autant à l’Ile Molène qu’à Henvic. Etait-il doté d’un sale caractère? En tous cas, le vicaire Branellec écrit sur une carte, le 2 septembre 1916, que « le Recteur, dans une crise, a renvoyé son bedeau…! Il s’efforce de le ramener ».

Très attaché à sa paroisse, Guillaume Le Jeune a écrit un petit ouvrage en langue bretonne, qui sera publié en 1918. « Buez Sant Vodez, Hag Histor Henvig », (« La Vie de St Maudez, et l’Histoire de Henvic »). En fait d’histoire, nous n’y apprenons pas grand-chose, mis à part le fait que « nos ancêtres de la petite et de la grande Bretagne, étaient des païens, qui n’avaient ni vertu, ni justice, ni liberté ni pitié…avant l’arrivée de Notre Seigneur Jésus Christ » !!!

Guillaume Le Jeune assure la fonction de recteur de Henvic jusqu’en 1917, date à laquelle il doit démissionner pour des raisons de santé. Il se retire à Plabennec, où il décède Décédé le 14 novembre 1918.